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Centre d'histoire des sociétés, des sciences et des conflits

Histoire et épistémologie des sciences et de la médecine

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L’axe 1 Histoire et épistémologie des sciences et de la médecine s’articule autour de plusieurs thématiques : images et imaginaires du sang qui croisent l’histoire des pratiques thérapeutiques et l’histoire des maladies ainsi que les pratiques de la narration en médecine. Outre les recherches sur les traumatismes et les violences de guerre (Sophie Delaporte) qui sont également des objets de l’axe 3 Conflits ; le sous-axe de l’axe 1 sur les usages et les pratiques médicales du sang (Céline Cherici, Jean-Claude Dupont) est en interactions avec l’axe 2, Individus et corps socio-politique aux époques modernes et contemporaines.
 

Ainsi, l’axe 1 se découpe en trois sous-axes :
 

Histoire des pratiques, des techniques et des usages du corps

Un projet sur l’histoire du sang (XVIIe et XXIe siècles), à travers ses usages et ses pratiques médicales, est en cours de réflexion depuis juin 2022, où s’est tenu un colloque sur cette thématique à Amiens. Cet événement a été l’occasion de réfléchir avec les chercheurs du centre d’Histoire des Sociétés, des Sciences et des Conflits à la possibilité de répondre à un appel à projet de l’ANR. Céline Cherici, responsable du présent axe et Emmanuelle Berthiaud, responsable de l’axe 2 en sont les coordinatrices. Les recherches sur le sang regroupe des chercheurs-ses du centre en épistémologie (Céline Cherici, Jean-Claude Dupont, Sophie Delaporte) et en histoire (Emmanuelle Berthiaud), ainsi que de centres de recherches amiénois tels que Hématim (Jean-Pierre Marolleau, Loïc Garçon), ou le CEPRISCA (Cécile Manaouil) mais également de centres de recherches nationaux (SPHERE, TEMOS). Fort de ses connections scientifiques, intellectuelles, ce projet regroupera un ensemble de chercheurs-ses qui se propose d’explorer des imaginaires sanguins pluriels : médicaux, techniques, biotechnologiques, du vivant ou sociétaux, tous croisent la pluridisciplinarité, et l’ampleur des pratiques médicales à travers l’histoire. Le concept de représentation se révèle extrêmement structurant, permettant de penser sur le temps long, et de façon polymorphe, les imaginaires des objets biologiques, mais aussi des pratiques : le don de sang humain et animal, la pratique de la greffe, ou encore les étapes de l’histoire de la circulation sanguine. Chaque objet et technique biologique (culture de la cellule, du sang) possède un imaginaire qui se déploie à travers un temps long et dont les traces peuvent être trouvées dans des sources extrêmement variées : archives, publications, photographies, dessins sont autant de signes de la richesse d’études sur le sang à travers l’histoire. Ainsi, plusieurs thématiques s’articulent autour du sang dans tous ses états : le sang un objet biomédical à la croisée du normal et du pathologique ; le sang, un concept polymorphe (XVIIe-XXIe siècle) ; les implications juridiques de l'utilisation du sang en post-mortem dans un cadre médico-légal. Ce projet implique également les doctorants et post-doctorant(e)s (Fanny Chambon, Jean François Thurloy, Alexandre Distribué).

En plus de participer à la thématique sur l’histoire du sang, Sophie Delaporte développe des recherches consacrées aux vétérans et à la psychiatrie qui l’amènent sur les traces du psychiatre américain Thomas W. Salmon dont la biographie est parue en 2023. Figure majeure de la discipline dans le premier tiers du XXe, Salmon demeure aujourd'hui une référence. Plus largement elle travaille depuis 2019 sur la réadaptation à la vie civile des vétérans américains depuis la Grande Guerre jusqu' aux conflits en Irak et en Afghanistan en croisant discours médical, représentations cinématographiques et témoignages de survivants du champ de bataille.

Céline Cherici, outre porter le projet sur l’histoire du sang (XVIIe et XXIe siècles), à travers ses usages et ses pratiques médicales, travaille également sur les publications et les archives de Daniel X. Freedman, pionnier de la psychiatrie biologique américaine. Son approche ne reconnaissant pas de frontières artificielles entre le cerveau et la psyché, l'une de ses importantes contributions a été de démontrer comment les événements biologiques dans le cerveau affectent l'expérience sociale d'un individu, son comportement, ses capacités cognitives, y compris dans des dimensions qui ne sont pas considérées comme pathologiques. Il démontre ainsi comment une expérience, comme du stress, peut affecter le fonctionnement biologique du cerveau. On peut le considérer comme un pionnier de la recherche sur les anomalies physiques et chimiques cérébrales, potentiellement à l'origine des maladies mentales.

Jean-Claude Dupont assure le pilotage de 16 volumes consacrés à l’histoire des sciences de l’encyclopédie « Sciences » (ISTE-Wiley), en cours de publication, projet auquel est associée Céline Cherici pour la biologie et la médecine. L’actualité de sa recherche dans le sous-axe correspond à l’histoire et la philosophie des biomarqueurs sanguins. Les biomarqueurs sont définis par l’Académie de médecine comme des « mesures objectives d’un processus biologique ou pathologique qui peuvent être utilisées pour évaluer le risque de développer une maladie ainsi que son pronostic, permettre de faire un diagnostic clinique plus précoce et/ou suivre l’évolution du processus spontané ou sous l’action de divers traitements ». Leur recherche est devenue avec celle des thérapies ciblées une des préoccupations majeures de la biomédecine, renforcée au XXIe siècle par l’émergence de la médecine dite de précision, l’utilisation des données en grand nombre, la pratique intensive du biobanking, le développement technologie omique, notamment la génomique et la protéomique. Le concept de biomarqueur va pénétrer toutes les spécialités médicales, mais c’est la cancérologie qui en est à l’origine. C’est aussi dans ce domaine que l’imaginaire médical des biomarqueurs sanguins s’est le plus développé. L’enquête est une histoire conceptuelle des biomarqueurs tumoraux, depuis les commencements de l’idée de trace de la maladie à valeur séméiologique détectable dans des liquides biologiques tels que le sang, appuyée au XIXe siècle par l’émergence de la médecine de laboratoire, jusqu’aux récents développements en lien avec l’histoire cellulaire et moléculaire du cancer. Elle analyse les difficultés et obstacles particuliers à la notion de biomarqueur appliquée à ce domaine.

Fanny Chambon, doctorante sous la direction partagée de Jean-Claude Dupont et Céline Cherici, est actuellement en troisième année d’une thèse intitulée Qu'est-ce que la biologie de synthèse ? Histoire d'une formation scientifique. Ses travaux de recherches portent sur l’histoire et l’épistémologie de la biologie de synthèse. Ce champ scientifique nouveau et essentiellement pluridisciplinaire a pour objectif de faire une ingénierie du vivant. Mais que cela signifie-t-il ? Son statut, tant épistémique qu'ontologique, est l’objet de son enquête philosophique. Née de la convergence de différentes sciences et techniques, il est en effet difficile de délimiter la portée scientifique et médicale de la biologie de synthèse. Tout l'enjeu est donc d'en faire l'histoire pour en comprendre la formation, la nature et les étapes de développements.
 

Histoire des pratiques thérapeutiques et des maladies

Une enquête sur les pratiques thérapeutiques, qui croise par ailleurs, la notion d’imaginaires et de représentations médicales dans les traitements des maladies du sang, se déploie dans plusieurs directions : histoire des thérapies ciblées, histoire des biomarqueurs, histoire des maladies environnementales, des troubles dys-, histoire des maladies mentales.

Emmanuelle Berthiaud mène, en parallèle au projet de recherche collectif sur le sang, plusieurs travaux en lien avec l’histoire de la médecine, étroitement connectés avec l’axe 2. Le premier s’intéresse à la surdité à l’époque moderne, sous l’angle des représentations et des savoirs médicaux (projet Anamorphose « Les expériences sourdes dans leur environnement, de la Picardie au territoire français (XVe-XVIIIe siècles) »). Le second est consacré à la santé et à la médecine de l’enfant de la Renaissance au XIXe siècle, et en premier lieu à la douleur du tout-petit et à sa prise en charge, notamment sur le plan thérapeutique, par les praticiens depuis le XVIe siècle.

Jean-Claude Dupont explore l’histoire des maladies neurologiques et psychiatriques dans cette perspective. Il faut rappeler les interactions historiques étroites entre maladies neurologiques et psychiatriques d’une part, et entre outils thérapeutiques (psychotropes) et d’exploration (biomarqueurs) de ces maladies d’autre part. Le nœud théorique de ces interactions est représenté par la théorie de la neurotransmission chimique, qui s’affirme au niveau cérébral au cours des années cinquante et soixante. A un immense enthousiasme neuropsychochimique succèdent des vues pathogéniques et thérapeutiques plus prudentes et plus complexes, notamment dans le domaine psychiatrique. Il faudra comprendre l’origine historique et les questions épistémologiques correspondant à ces difficultés, liées entre autres à l’usage problématique de l'expérimentation animale pour la recherche des biomarqueurs et la recherche thérapeutique.

En abordant l’histoire et l’épistémologie de la psychiatrie biologique entre 1950 et 2000, par le biais de l’étude sur les recherches américaines notamment sur l’autisme, Céline Cherici se propose de mener des études critiques sur les développements des modèles biologiques, électriques et chimiques, des maladies mentales. Un ensemble de représentations imprègne les pratiques thérapeutiques françaises (Henri Gastaut) et américaines (Daniel X. Freedman) durant la seconde moitié du XXe siècle.

Clara Charlet, actuellement doctorante en première année sous la direction de Céline Cherici, travaille sur les Crises épidémiologiques du vivant : histoire des pathologies environnementales et santé des écosystèmes. Sa recherche s’articule autour de la question du vivant sous le prisme de l’étude des pathologies environnementales. En ce sens, elle s’intéresse à la compréhension des intrications entre l’homme et la nature en pensant de manière interconnectée tous les composants des écosystèmes. Le cœur principal de sa thèse repose sur la mise en lumière d’une interdépendance considérable entre la santé des écosystèmes et la santé humaine. Pour se faire, ses recherches se composent de trois domaines d’approches : les sciences, l’histoire et la philosophie, et se concentrent particulièrement sur la question du cancer et des pesticides, tout en abordant le projet d’une médecine plus intégrative des milieux écosystémiques.

Un ensemble de doctorants, travaillant sous la direction de Céline Cherici, articulent leur travail de recherches autour des notions de troubles, de psychothérapie ou de modèle chimique du cerveau humain. Ainsi, Elodie Rubio Lopez travaille sur la corporéité des apprentissages : une approche épistémologique de l’évolution de l’éducation et de la conception de l’apprenant. Ses recherches consistent à montrer en quoi les considérations sur l’élève et son intelligence ont évolué du XIXe siècle à aujourd’hui et ont amené les neurosciences dans les salles de classe, bouleversant les relations entre l’esprit, le cerveau et l’ensemble du corps. En outre, si les neurosciences ont pu permettre de réintégrer les capacités cognitives dans le corps, c’est aussi parce que la philosophie européenne est sortie du dualisme cartésien pour rendre à la matière ses prérogatives dont la conscience et les hautes facultés cognitives. En parallèle l'analyse s’inscrira dans une recherche sur l’évolution des liens entre les concepts de « normal » et de « pathologique ». Cédric Chanson développe dans une thèse qui débute, une approche épistémologique du cognitivo-comportementalisme tandis que Vincent Verroust travaille sur « Une science est née ». Roger Heim et les conséquences heuristiques de la découverte des champignons à psilocybine et de leurs effets sur le psychisme humain, en France (1953-1971).

En tant que membres de l’axe 1, un ensemble de psychologues travaillent actuellement autour des pratiques de soin psychique, et les théories qui les soutiennent ou qui en émanent, dans leur contexte historique d’émergence et d’un point de vue épistémologique. Deux terrains cliniques et deux formes de pathologies sont privilégiés dans cet examen des pratiques et logiques de « santé mentale », permettant notamment d’interroger certaines articulations entre psychothérapies, théories de la personne, et société : les « pathologies du travail », et certains types de « remèdes » relevant notamment du paradigme du « bio-psycho-social » ; les « nouvelles pathologies », appréhendées comme pathologies narcissiques et pathologies de l’idéal, qui peuvent s’analyser comme défaillances des processus d’institution du sujet et faisant l’objet de nouvelles normativités. La perspective qui fédère ces considérations sur diverses formes de thérapeutiques visant la santé mentale, est la mobilisation et la manipulation particulière de ce « lien » qui désigne l’articulation du psychique et du social/culturel. La notion de lien correspond ici à la métaphorisation des écarts entre l’interne et l’externe (cette représentation en termes d’espaces distincts et hétérogènes étant elle-même sujette à questionnement). Et nous interrogerons en particulier les contributions de différents sous-domaines de la psychologie à ces descriptions et usages du lien, depuis les représentations plus humanistes datant des siècles précédents, jusqu’à des orientations plus instrumentales caractéristiques de notre culture dite « hypermoderne ». Différentes théories du lien seront sollicitées, depuis la notion d’espace transitionnel chez D. Winnicott, celle d’habitus issue de différentes sociologies (N. Elias, P. Bourdieu), jusqu’à celles développées par R. Kaës des alliances structurantes et défensives, et plus largement les travaux relevant de l’anthropologie psychanalytique (C. Castoriadis, P. Legendre), d’une part, et de l’anthropologie phénoménologique d’autre part (M. Henry, P. Ricœur). (Projet porté notamment par Philippe Spoljar) Nouvellement arrivée dans le centre, Yaelle Malpertu étudie l’histoire des liens entre certains mouvements psychanalytiques et le traitement des symptômes traumatiques et mène des recherches sur le rapport des survivants et des descendants de survivants de la Shoah aux objet rattachés à cette période. Elle participe également à une recherche franco-allemande sur l’évolution du travail des enseignants dans les classes accueillant des collégiens allophones. Enfin elle analyse les documents recueillis à la bibliothèque Archives and manuscripts collection de l’Université Cornell à New York consacrés à Clifford Beers, à l’origine du mouvement pour l’hygiène mentale aux Etats-Unis.

 

Pratique de la narration en médecine

Les récits – qu’ils relèvent du témoignage, du rapport d’expérience à la manière des carnets des professionnels (Des « fiches cliniques » rédigées à la manière hippocratique aux notes du neurologue Golsdtein), ou émanent de la narration du pathologique en consultation, en entretiens ou dans la littérature – constituent un objet privilégié quand l’histoire des sciences se tourne vers une pratique fondée sur des savoirs scientifiques et empiriques, comme l’est la médecine.
Après le tournant linguistique des années 70, on a pu parler d’un tournant narratif à partir des années 80 dans les sciences humaines. L’histoire de la médecine a, pour sa part, été marquée depuis le milieu du XXe siècle, par la diversité des genres, entre les travaux généalogiques du philosophe M. Foucault sur la naissance de la clinique comme discours où « il est question du regard » et la biopolitique d’une part, les travaux des historiens sur la naissance de la médecine contemporaine (J. Léonard, H. Corbin…), ceux des médecins philosophes ou anthropologues qui problématisent le compte-rendu médical de la maladie (de Canguilhem à Good), et l’histoire « profane » écrite par les médecins de l’autre. La médecine telle qu’elle s’élabore à l’époque contemporaine se dessine dans un développement massif des techniques, mais elle demeure conjointement le lieu d’une pratique qui déploie une narrativité. Il s’agit de prendre pour objet la narrativité à l’œuvre dans la pratique médicale, que Foucault laissait sciemment de côté et que les médecins ignoraient, étant eux-mêmes narrateurs de leur propre épopée : à savoir ce que disent et écrivent les médecins, les futurs médecins en formation, mais aussi ce que disent et écrivent les malades. À l’aube de la naissance de la biomédecine, G. Canguilhem exprimait la crainte que la clinique n’en vienne à être inféodée à la recherche ; l’étude des récits s’intéresse aux mutations de la clinique en tant que pratique telle qu’elle se dessine au seuil de l’époque contemporaine. Si la narration constitue l’un des matériaux classiques des historiens et des anthropologues de la maladie et de la médecine, l’histoire des sciences ne s’est intéressée que de façon sporadique à leur valeur épistémologique. L’axe orienté sur la narration en médecine traite des divers lieux de l’incursion du récit dans la discursivité médicale : dans les modalités de l’exercice de la clinique, travaillée par la narration ; dans la socialisation et la culture des professionnels ; dans les récits concernant l’expérience de la maladie ; dans son absence, comme problème clinique (projet porté notamment par Catherine Draperi).

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