La journée vise à rendre plus visible dans l’écriture de l’histoire l’expérience de la surdité antérieurement à l’enseignement de la langue des signes française. De manière pluridisciplinaire, elle entend scruter les traces et les archives de la condition sourde à l’époque moderne en France (xvie-xviiie siècles). Peut-on faire émerger de nouveaux sujets d’étude, par quelles figures, quels contextes d’activité et de production, et quels groupes constitués par les interactions entre personnes sourdes et leur environnement ? Peut-on approcher davantage les normes de l’action sourde et leurs contraintes, les déterminations par le groupe entendant ?
Plusieurs communications seront consacrées à Amiens, à partir des pensionnaires sourds identifiés dans l’abbaye prémontrée Saint-Jean du dernier tiers du xviie siècle aux années 1740, notamment d’Etienne de Fay (ca 1669-1746), sourd prélingual à l’instruction poussée. La figure de ce dernier a acquis une dimension légendaire, ce qui invite à reprendre l’examen de sa trajectoire, de ses collaborations et productions. Ces figures seront mises en perspective grâce à différentes enquêtes à la même époque, en Picardie et au-delà, portant sur la culture sensorielle (art oratoire), l’histoire du droit, les archives notariées en général.
Dans le cadre du projet régional « Anamorphose », la journée interrogera les obstacles qui contribuent à l’invisibilité du patrimoine sourd en Picardie et ailleurs. Qu’est-ce qui fait trace de la surdité ? Qu’est-ce-qui n’accède pas à la valorisation collective dans l’histoire de la société des personnes entendantes et sourdes ? Pourquoi les productions d’artistes consacrés (au XVIe siècle, le poète Ronsard) sont-elles patrimonialisées au prix de l’effacement de la surdité de leur auteur ?