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Centre d'histoire des sociétés, des sciences et des conflits

Histoire et épistémologie des sciences et de la médecine

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Cet axe s’articule autour de plusieurs thématiques : celle des savoirs et usages du corps qui croise l’histoire des pratiques thérapeutiques et l’histoire des maladies ainsi que les pratiques de la narration en médecine. Dans une démarche pluridisciplinaire, il s’agit de mettre en œuvre une méthodologie d’épistémologie critique, associant la philosophie et l’histoire, le travail sur archives et la réflexivité d’une approche conceptuelle des sciences biologiques et médicales.

Des projets communs permettent des collaborations transversales, au sein de l’axe 1 et avec les deux autres axes (axe 2 Individus, familles et sociétés aux époques modernes et contemporaines et axe 3 Conflits armés).

Ainsi, l’axe 1 se découpe en trois sous-axes :
 

Histoire des pratiques, des techniques et des usages du corps

Ce premier sous-axe est un espace de recherche et de réflexion sur les pratiques du corps. Ses membres travaillent, en premier lieu, sur le sang, comme objet de recherche à l’interface de la biologie et de la médecine, de l’histoire de la psychiatrie biologique ou des biomarqueurs.

Tel est l’objet du projet déposé à l’ANR (PRC 2024), intitulé « Savoirs et usages médicaux du sang (XVIe - XXIe siècles) –MedSang », coordonné par Céline Cherici, responsable de l’axe 1 et par Emmanuelle Berthiaud, responsable de l’axe 2. Le projet ambitionne d’explorer les différents usages thérapeutiques et médicaux du sang en les ré-inscrivant dans une histoire culturelle, conceptuelle, épistémologique et technique en allant du XVIe au XXIe siècle. Ce projet a fait l’objet d’un colloque (Amiens, juin 2022) sur différents moments clé de l’histoire du sang et dont les actes sont en cours d’édition. Le projet regroupe des chercheurs en épistémologie (Céline Cherici, Jean-Claude Dupont, Sophie Delaporte), en histoire (Emmanuelle Berthiaud) du CHSSC, ainsi qu’en médecine et en biologie. Participent à ce projet des centres de recherche de l’UPJV tels que Hematim (Jean-Pierre Marolleau, Loïc Garçon) ou le CEPRISCA (Cécile Manaouil), mais également des centres de recherche nationaux (SPHERE, TEMOS) ou encore la Bibliothèque Nationale de Médecine.

Quatre axes de recherches sont proposés dans ce projet : « Le sang, un objet biomédical à la croisée du normal et du pathologique » (resp. Céline Cherici) ; « Faire circuler le sang, savoirs et usages socio-culturels, XVIe-XXIe siècles » (resp. Emmanuelle Berthiaud-Nathalie Sage Pranchère) ; « Les implications juridiques de l'utilisation du sang dans un cadre médico-légal » (resp. Cécile Manaouil) ; « Valoriser l’histoire du sang » (resp. Hervé Guillemain). Les finalités de ce projet, dans une perspective pluridisciplinaire, sont de rendre accessibles des archives (numérisation du fonds Alexis Carrel à l’Académie nationale de médecine), de diffuser les recherches croisées qui émergeront sous forme de colloques et de publications, ainsi que des supports innovants à destination d’un large public (via la plateforme DicoPolHis). Ce projet implique, également, des doctorant(e)s et post-doctorant(e)s (Fanny Chambon, Jean François Thurloy, Alexandre Distribué).

Dans le même ordre d’idées, les recherches actuelles de Jean-Claude Dupont, qui assure, par ailleurs, le pilotage de 16 volumes consacrés à l’histoire des sciences de l’encyclopédie « Sciences » (ISTE-Wiley), portent sur l’histoire et la philosophie des biomarqueurs sanguins. Le concept de biomarqueur pénètre toutes les spécialités médicales, mais c’est la cancérologie qui en est à l’origine. L’Académie nationale de médecine définit les biomarqueurs comme des « mesures objectives d’un processus biologique ou pathologique, qui peuvent être utilisées pour évaluer le risque de développer une maladie, permettre de faire un diagnostic clinique plus précoce et/ou suivre l’évolution du processus spontané ou sous l’action de divers traitements ». Leur étude est devenue, avec celle des thérapies ciblées, une des préoccupations majeures de la biomédecine, renforcée au XXIe siècle par l’émergence de la médecine dite de précision, ainsi que par l’utilisation des données en grand nombre, la pratique intensive du Biobanking, le développement de la technologie omique, notamment la génomique et la protéomique. L’enquête menée par Jean-Claude Dupont est une histoire conceptuelle des biomarqueurs tumoraux, depuis les commencements de l’idée de trace de la maladie à valeur sémiologique détectable dans des liquides biologiques tels que le sang, appuyée au XIXe siècle par l’émergence de la médecine de laboratoire, jusqu’aux récents développements en lien avec l’histoire cellulaire et moléculaire du cancer.

L’ingénierie du vivant, champ scientifique nouveau et essentiellement pluridisciplinaire, est également au cœur des travaux de Fanny Chambon, doctorante sous la direction partagée de Jean-Claude Dupont et de Céline Cherici. Sa thèse, intitulée Qu'est-ce que la biologie de synthèse ? Histoire d'une formation scientifique, porte sur l’histoire et l’épistémologie de la biologie de synthèse, sur son statut, tant épistémique qu'ontologique.

Enfin, Gaël Pheterson poursuit, depuis son éméritat, ses recherches sur l’avortement.

Histoire des pratiques thérapeutiques et des maladies

Le sous-axe centré sur l’histoire des pratiques thérapeutiques et des maladies croise les imaginaires et les représentations médicales, présents dans l’histoire des thérapies ciblées, des biomarqueurs, des maladies environnementales et des maladies mentales. Il s’agit de mettre l’accent sur les grilles de lecture épistémologiques et historiques qui peuvent être posées dans différents domaines des sciences biologiques et médicales.

Ainsi, dans le cadre d’approches articulées autour des pratiques de soin et des maladies, Catherine Draperi travaille sur le corpus hippocratique, mis en perspective avec la pensée présocratique – sujet qu’elle a développé avec des médecins dans un séminaire de dix jours au printemps 2024 en Grèce autour de la médecine itinérante des épidémies. Elle prépare également un ouvrage, dans lequel elle propose une approche géographique de l’histoire du discours hippocratique, resitué dans l’horizon de la période classique de la Grèce antique, dans son dialogue avec la philosophie.

Emmanuelle Berthiaud mène plusieurs travaux en lien avec l’histoire de la médecine, étroitement connectés avec l’axe 2. Le premier s’intéresse à la surdité à l’époque moderne, sous l’angle des représentations et des savoirs médicaux (projet financé du CPER Anamorphose « Les expériences sourdes dans leur environnement, de la Picardie au territoire français XVe-XVIIIe siècles »). Le second est consacré à la santé et à la médecine de l’enfant de la Renaissance au XIXe siècle et, en premier lieu, à la douleur du tout-petit et à sa prise en charge, notamment sur le plan thérapeutique, par les praticiens depuis le XVIe siècle.

Dans le champ de l’histoire et de l’épistémologie des maladies mentales, Jean-Claude Dupont explore l’histoire des maladies neurologiques et psychiatriques dans un travail qui met en relief les interactions historiques étroites entre maladies neurologiques et psychiatriques, d’une part, et entre outils thérapeutiques (psychotropes) et d’exploration (biomarqueurs) de ces maladies, d’autre part. Ces interactions sont appréhendées au prisme de la théorie de la neurotransmission chimique, qui s’affirme au niveau cérébral au cours des années 1950 et 1960, mais qui suscite, par la suite, des vues pathogéniques et thérapeutiques plus prudentes et plus complexes, notamment dans le domaine psychiatrique.

En abordant l’histoire et l’épistémologie de la psychiatrie biologique entre 1950 et 2000, Céline Cherici se propose, de son côté, de conduire des études critiques sur les développements des modèles biologiques, électriques et chimiques, des maladies mentales. Elle porte notamment son attention sur l’ensemble des représentations qui imprègnent les pratiques thérapeutiques françaises (Henri Gastaut) et américaines durant la seconde moitié du XXe siècle. Dans cette perspective, Céline Cherici travaille sur les publications et les archives de Daniel X. Freedman. Pionnier de la psychiatrie biologique américaine et de la recherche sur les anomalies physiques et chimiques cérébrales, potentiellement à l'origine des maladies mentales, celui-ci a contribué à démontrer comment les événements biologiques dans le cerveau affectent l'expérience sociale d'un individu, son comportement, ses capacités cognitives, y compris dans des dimensions qui ne sont pas considérées comme pathologiques. Dans ce cadre, des collaborations internationales sont en cours avec la bibliothèque des collections rares de l’UCLA, ainsi qu’avec l’International Society of History of Neurosciences (ISHN). Le projet est notamment financé grâce à l’obtention d’un appel à projet Mobilité sortante de la MESH de Lille, ainsi que par une demande S2R.

Dans la même optique, Céline Chérici encadre un ensemble de doctorants, dont les recherches se portent sur les notions de troubles, de psychothérapie ou de modèle chimique du cerveau humain. Ainsi, Elodie Rubio Lopez travaille sur la corporéité des apprentissages dans la perspective d’une approche épistémologique de l’évolution de l’éducation et de la conception de l’apprenant. Ses recherches consistent à montrer en quoi les considérations sur l’élève et son intelligence ont évolué du XIXe siècle à aujourd’hui et ont amené les neurosciences dans les salles de classe, bouleversant les relations entre l’esprit, le cerveau et l’ensemble du corps. Cédric Chanson développe, quant à lui, une approche épistémologique du cognitivo-comportementalisme, tandis que Vincent Verroust travaille sur Roger Heim et les conséquences heuristiques de la découverte des champignons à psilocybine et de leurs effets sur le psychisme humain, en France (1953-1971). Le travail de Clara Charlet, intitulé Crises épidémiologiques du vivant : histoire des pathologies environnementales et santé des écosystèmes, s’articule autour de la question du vivant au prisme de l’étude des pathologies environnementales. Axée sur la question du cancer et des pesticides, le cœur de cette thèse repose sur la mise en lumière d’une interdépendance considérable entre la santé des écosystèmes et la santé humaine.

Ce sous-axe de recherche intègre également les pathologies psychiques et une approche épistémologique de la psychiatrie et des maladies mentales, croisant les recherches des psychologues membres du CHSSC sur les pratiques de soin psychique et les théories qui les soutiennent ou qui en émanent, avec celles que mènent certains historiens, également membres du CHSSC.

Deux terrains cliniques et deux formes de pathologie sont privilégiés dans cet examen des pratiques et des logiques de « santé mentale », permettant, notamment, d’interroger certaines articulations entre psychothérapies, théories de la personne et société. Ce sont, d’une part, les « pathologies du travail » et certains types de « remèdes » relevant, notamment, du paradigme du « bio-psycho-social », et d’autre part les « nouvelles pathologies », appréhendées comme pathologies narcissiques et pathologies de l’idéal, qui peuvent s’analyser comme des défaillances des processus d’institution du sujet et faisant l’objet de nouvelles normativités. La perspective, qui fédère ces considérations sur diverses formes de thérapeutiques en santé mentale, est la mobilisation d’un « lien » entre le psychique et ce qui relève du social/culturel. Cette recherche, menée notamment dans le cadre du projet porté notamment par P. Spoljar, interroge les contributions de différents sous-domaines de la psychologie à ces descriptions et usages du lien, depuis les représentations humanistes datant des siècles précédents, jusqu’à des orientations plus instrumentales, caractéristiques de notre culture dite « hypermoderne ».

Ces questions de santé mentale et notamment de prise en charge du trauma sont également au cœur des travaux de Sophie Delaporte sur les vétérans et la psychiatrie, qui l’ont amenée sur les traces du psychiatre américain Thomas W. Salmon, figure majeure de la discipline dans le premier tiers du XXe siècle, dont elle a publié la biographie en 2023 aux éditions Odile Jacob. Plus largement, Sophie Delaporte travaille, depuis 2019, sur la réadaptation à la vie civile des vétérans américains depuis la Grande Guerre jusqu'aux conflits en Irak et en Afghanistan, en croisant discours médical, représentations cinématographiques et témoignages de survivants du champ de bataille. Ces recherches sont en lien avec la thématique Trauma et violences de guerre de l’axe 3 Conflits armés. Dans le cadre des recherches sur le traumatisme, Yaelle Malpertu étudie l’histoire des liens entre certains mouvements psychanalytiques et le traitement des symptômes traumatiques. En connexion étroite avec l’axe 3 également, elle mène des recherches sur le rapport des survivants et des descendants de survivants de la Shoah aux objets rattachés à cette période. Enfin, elle analyse les documents recueillis à la bibliothèque Archives and manuscripts Collection de l’Université Cornell à New York, consacrés à Clifford Beers, à l’origine du mouvement pour l’hygiène mentale aux États-Unis.

Pratique de la narration en médecine


Les récits – tels qu’étudiés à partir de témoignages, de rapports d’expérience, de carnets de professionnels, d’entretiens – constituent un objet privilégié de l’histoire des sciences appliquée à la pratique médicale. En effet, si la médecine, à l’époque contemporaine, se dessine dans un développement massif des techniques, elle demeure, néanmoins, le lieu d’une pratique qui déploie toute une narrativité qu’il est possible d’analyser en confrontant les approches des médecins, des philosophes, des historiens et des anthropologues. L’objectif est donc d’analyser les récits que produisent les médecins, les futurs médecins en formation, mais aussi ce que disent et écrivent les malades. Cette étude des récits s’intéresse particulièrement aux mutations de la clinique en tant que pratique telle qu’elle se dessine au seuil de l’époque contemporaine, que ce soit dans les modalités de l’exercice de la clinique, dans la socialisation et la culture des professionnels, dans les récits concernant l’expérience de la maladie.

Dès 2014, un congrès, organisé avec le soutien du CHSSC et du collège des enseignants en histoire des sciences en médecine à la faculté de médecine d’Amiens, s’est consacré à cette question. Aujourd’hui, les recherches portent sur la double démarche inhérente à la médecine, à la fois science et pratique clinique, engageant un travail d’explication et de compréhension, s’attachant respectivement aux causes efficientes et au sens de l’expérience de la maladie, qui s’inscrit dans le récit ou la parole. Par exemple, la narration du médecin itinérant hippocratique, étudiée par C. Draperi, est exemplaire d’un récit heuristique des causes efficientes, déployant une étiologie très fine des maladies à travers les récits individualisés précis des malades visités dans les épidémies. L’autre versant de la narration en médecine concerne le sens de l’expérience de la maladie : le sens de l’épreuve peut être parfois lui-même en jeu dans les processus pathologiques eux-mêmes. Le sens de l’épreuve de la maladie par le patient ou l’un de ses proches peut également se déployer comme vécu traumatique dans la narration.

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