2024
Noces de cendres. Un voyage dans les ruines de la Grande Guerre
Clémentine Vidal-Naquet
Une épaisse couverture de cuir, des pages cartonnées sur lesquelles sont disposées des photographies jaunies, parfois à moitié effacées, et des cartes postales touristiques, toutes soigneusement légendées. Au centre de la première page, un couple aux contours méticuleusement découpés : la femme en tenue de mariée, l’homme en uniforme. « Notre voyage de noces », lit-on au-dessus de leurs têtes ; « souvenir du 4 septembre 1919 » à leurs pieds. L’album, offert par un soldat tout juste démobilisé à sa femme pour leur premier anniversaire de mariage, montre villes et villages en ruines et en cendres, trous d’obus et paysages ravagés du nord de la France et de la Belgique.
Quelles aspirations, quelles espérances ont pu motiver un tel voyage ? En observant de façon intensive cet objet extraordinaire, en suivant pas à pas le périple insolite des jeunes époux dans les champs de bataille, Clémentine Vidal-Naquet révèle les traits marquants et parfois troublants d’une époque ; elle rend palpable l’inscription durable de la guerre dans les sphères conjugale et intime, après le silence des armes.
Enfants en guerre, guerre à l’enfance ? De 1914 à nos jours
Manon Pignot et Anne Tournieroux
L'actualité nous le rappelle : l'une des spécificités des conflits des XXe-XXIe siècles est de faire des civils des cibles à part entière. L'enjeu de ce livre est d'articuler le point de vue des enfants à celui des adultes, c'est-à-dire l'expérience enfantine de la guerre vis-à-vis des discours et injonctions émanant des adultes, des États en temps de conflits.
À la question « que fait la guerre aux enfants ? », la réponse paraît évidente : du mal. L'enjeu de ce livre et de l'exposition qu'il accompagne est d'accepter d'aller plus loin que l'évidence première, en dépassant le seul statut de victime. En d'autres termes, de complexifier l'analyse en réfléchissant aussi à ce que le temps de guerre peut représenter, pour certains enfants et adolescents, en termes d'opportunité, d'émancipation, de capacité d'action. En un mot : montrer que la guerre n'est pas traumatisante en soi, en soulignant la diversité des expériences enfantines, et en donnant du même coup leur juste place aux expériences traumatiques et paroxystiques.
Invention, subversion, sidération. Faire de l'histoire avec Stéphane Audouin-Rouzeau
Christian Ingrao, Clémentine Vidal-Naquet, Emmanuel Saint-Fuscien, Hervé Mazurel, Manon Pignot
« Je hais les jeunes. » Quiconque a croisé Stéphane Audoin-Rouzeau l’a sûrement déjà entendu asséner cette sentence définitive. L’outrance de la formule révèle précisément l’antiphrase : c’est bien parce qu’il aime les jeunes que ses élèves ont choisi de lui offrir ces Mélanges.
Acteur majeur de la transformation de l’histoire militaro-politique en une anthropologie historique du fait guerrier, Stéphane Audoin-Rouzeau contribue, depuis presque quarante ans, à rendre intelligible la violence de guerre. Spectateur et penseur du retour de la guerre dans les horizons d’attente européens, il a inauguré une démarche singulière dont il a su transmettre les ressorts à ses étudiantes et étudiants.
On ne trouvera pas ici d’aréopage historien convoqué pour l’occasion ; pas de ban ni d’arrière-ban pour célébrer près de quarante années de carrière universitaire. En somme, il ne s’agit pas d’une commémoration mais d’une invitation à continuer, ensemble, à faire vivre le style d’histoire qui est le sien. En ne recourant qu’à des anciens élèves, toutes g(v)énérations confondues, ce livre rend hommage à l’enseignant autant qu’à l’historien. Les textes réunis dans cet ouvrage dressent un portrait kaléidoscopique d’un homme et d’une œuvre, d’un homme dans son œuvre.
Stéphane Audoin-Rouzeau est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et président du Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre (Péronne).